Délivrance

Anne Dambricourt Malassé

Délivrance


La page professionnelle sur le site de l’UMR 7194 du CNRS est dédiée à la recherche. Elle ne permet pas de développer ma réflexion sur la découverte de l’origine véritable du redressement neural à l’origine de notre corps/conscient et des conséquences de sa diffusion dès la première médiatisation en 1994, voici 28 années, et sur laquelle je vais revenir. Tout ce que j’ai écrit et déposé sur ma page professionnelle conserve son authenticité.

Cette nouvelle page est un fil d’Ariane pour maintenir un processus en cours que je qualifie de délivrance. Délivrance des effets sociétaux que cette première année de diffusion, dont je ne suis pas l'auteur, laissera dans la vie d’un grand nombre de personnes, peut-être même dans la mémoire collective.

Ce vocabulaire renvoie au féminin de l’être, celui d’une libération, à la fois le terme d’une gestation douloureuse et la naissance d’une nouvelle génération qui a droit à la vérité. Cette sémantique fait d’autant plus sens que nos origines sont une longue gestation intra-utérine et que son milieu naturel a toujours été l’eau salée, le liquide amniotique, l’océan de notre perle terrestre.


Effondrement

Étudiante en géologie à la faculté des sciences d’Orsay, je découvrais l’équation de Schrödinger (la dualité onde-corpuscule) dans un livre de la taille d’un grand classeur que mon père avait conservé depuis ses études d’ingénieur. Incompréhensible, l’image qui m’en est restée est celle d’une cosmogenèse qui me contient. Depuis, je ne vis et ne vois plus que sous cet angle, tout se passe dans la lignée de la cosmogenèse jusqu’aux premières mises en mémoire de la construction d’un organisme vivant (une cellule et sa reproduction). Tout ce qui vit, ressent, est une émanation de cette cosmogenèse. Certainement, la recherche des processus créatifs naturels, dans laquelle je me suis engagée, est un espace d’exploration pour retrouver cette durée organisatrice passée, avec laquelle je me sens liée comme une enfant tissée par un désir d’aimer. Certainement, les explorations dans l’Hindou Kouch, le Guizhou en Chine du Sud, l’Himachal Pradesh dans les piémonts himalayens indiens, sont la nécessaire traversée des échelles de l’espace et du temps terrestres. C’est une recherche animée d’une conviction de ne pas être née pour rien.

À 63 ans, j'incarne en tant que femme un changement de génération et de genre dans une filiation qui fut exclusivement patriarcale, puisqu’à 29 ans sans l’avoir cherché, j’ai hérité du statut de secrétaire générale de la Fondation Teilhard de Chardin avant d’entrer au CNRS en 1990. Les conclusions de ma thèse sont à l’origine de cette cooptation par le paléontologue Jean Piveteau. C’est dire la reconnaissance immédiate de sa portée scientifique et ce qui était attendu de la convergence entre la synthèse de Teilhard de renommée mondiale, et ma recherche encore immature à l’époque. Trente ans plus tard, le bilan intellectuel est alarmant, rien ne s'est passé, et rien ne se passe comme Jean Piveteau l’avait escompté. Une fois entrée au CNRS à la troisième candidature, il eut été normal de voir se développer la compréhension de l’hominisation du corps en suivant la complexification croissante du système nerveux. Or, comme je l’ai expliqué dans mon livre La légende maudite du vingtième siècle (2000), il fallut une dizaine d’experts, et non des moindres, pour désavouer un refus de titularisation en 1992, débouté par une demande de distinction de l’expert.

Les raisons de ce collapse culturel au CNRS, comme dans les universités françaises, sont de deux ordres. Le premier est l’extraordinaire surdité intellectuelle à un changement de paradigme considérable, le redressement du système nerveux et l’avènement de la bipédie permanente sont la conséquence d’un processus embryonnaire qui s’est déroulé dans le liquide amniotique depuis des dizaines de millions d’années, par sauts brusques. La bipédie n’est pour rien dans ce redressement. La seconde raison est irrationnelle, c’est une réactivité au nom de Teilhard de Chardin, au concept de finalité et à tout ce que la christologie éveille dans le subconscient, c’est-à-dire la possibilité de forces malignes surnaturelles.

Pour une communauté scientifique éduquée, le nom de Teilhard évoque une courbe scientifique de l’évolution de la complexité depuis les quarks jusqu’au cerveau humain, qui synthétisait les connaissances de ses contemporains. Pour une culture plus populaire, elle se limite à une vision christique de la cosmo-anthropogenèse. La courbe scientifique est celle de la complexité-conscience croissante qui atteint un point critique pour la biosphère, l’atmosphère et la stratosphère avec la noosphère « sapiens ». La planète est devenue « phosphorescente de pensée » mais aussi de tous ses maux. Nous y sommes. La vision christique est la transcription surnaturelle de cette courbe inspirée de l’anthropogonie chrétienne. La clé de voûte est l’origine surnaturelle des forces du Mal interagissant avec l’univers naturel, c’est elle qui justifie, dans cette tradition, la nécessaire incarnation du Christ. Est-elle une simple de vue de l’esprit au temps présent ? C’est l’expérience humaine qui est la réponse. On ne croit pas en Dieu ou aux forces maléfiques, on est touché par l’un et confronté aux autres.

Les ancêtres de ma famille paternelle furent des mécènes de l’église catholique jusqu’à l’édification d’une abbaye bénédictine pour femmes, Notre-Dame de Wisques dans les collines de l’Artois. L’ordre de Saint-Benoit est un ordre exorciste, je suis donc rompue à cette tradition avec sa médaille et ses formules protectrices.

La question ne se pose pas ouvertement en préhistoire, elle nécessite une définition préalable avec la possibilité d’établir d’authentiques homologies, telle que l’identification de phénomènes à des forces surnaturelles. Le contexte culturel homologue est celui des rites et pratiques chamaniques, l’équivalent des exorcismes.


« Tout ce qui monte converge »

Cette formule est de Pierre Teilhard de Chardin. Tout ce qui monte en esprit et en amour, converge.

Elle est connue de celles et de ceux qui poursuivent une recherche personnelle sur le sens de leur existence, replacée dans la prise de conscience que notre corps et notre système nerveux émergent de cette courbe, dont on ne comprend toujours pas les processus internes : ni l’origine de l’accroissement de complexité, ni l’organisation de plus en plus complexe du système nerveux depuis l’embryon, et encore moins comment, de cette complexité organisée sur elle-même, émerge de la conscience réfléchie avec les rites spirituels et les créations de formes symboliques spécifiques à l’être humain.

Le plus souvent, je constate que l’attente est une explication spirituelle d’une évolution disparue, en oubliant que notre corps en émerge. C’est l’attente d’une explication extérieure à soi-même, alors que l’évolution nous concerne directement puisque nous émergeons de ses processus. Ils nous ont fabriqués depuis la fécondation et il s’en suit l’ontogenèse jusque dans la plasticité du système nerveux. Cette plasticité est particulièrement singulière compte tenu du fait que, de la réflexion neurale des informations reçues par les capteurs, émerge de la conscience, jusqu’à la conscience de soi. Le cerveau ne prend pas conscience qu’il est un cerveau, c’est un « Je » qui s’éveille, qui se sait impossible sans le cerveau, sans les capteurs mais aussi sans une organisation intérieure. Par l’approche scientifique, cette réflexion révèle la dualité onde-corpuscule qui sourd au plus profond des particules élémentaires du corps, mais elle révèle aussi la dualité de la conscience entre le bien et le mal et elle interpelle le véritable auteur du libre arbitre. Sans cette organisation intérieure où se structure la réflexion consciente, aucune conscience de soi n’aurait émergé, aucune équation de Schrödinger n’aurait été écrite quelque part dans l’univers, aucune notion de crime contre l’Humanité n’aurait jailli dans la cosmogenèse. La noosphère enveloppe la planète de conflits spirituels en réalité.

Douze milliards d’êtres humains ne se posent pas quotidiennement la question du lien qui unit leur corps/conscient à l’évolution dès la fécondation. Ce n’est pas une nécessité et pourtant c’est la première des réalités.

Edgar Morin, avec lequel je continue d’échanger, parle de l’urgence de transmettre. Je dirais qu’il y a urgence à repenser la place de la noosphère dans l’évolution de la biodiversité. Hélas, je ne connais pas de philosophe qui s’intéresse aux processus d’hominisation du corps et d’humanisation de la conscience. Or je ne vois pas quelle philosophie pourrait s’en passer au XXIème siècle. C’est une tragédie pour la face féminine de l’humanisation, pour la vie intra-utérine, alors que cette découverte révèle que c’est la verticalisation du système nerveux de l’embryon qui est l’aiguillon de l’hominisation, et que sans la posture aimante de la mère, le fœtus sera très affaibli et c’est l’humanisation qui n’accouchera pas.

Bronze de Raffy Sarkissian offert par l’artiste peintre Anne-Marie Caffort-Ernst.

Collection personnelle. Photo © Anne Dambricourt Malassé.

Chute et damnation

La première médiatisation de ma découverte remonte donc au début de l’année 1994. Elle fut décidée à mon insu après un séminaire « Science et Foi » auquel était convié le Pr. Henry de Lumley, Président de la Fondation Teilhard de Chardin, mais aussi directeur du laboratoire de Préhistoire du Muséum national d’Histoire naturelle. Celui-ci m’avait demandé de le remplacer.

L’article est paru comme une sorte de compte-rendu dans une revue que je n’avais jamais lue, Nouvelle Clé, m’exposant à tout vent avec des interprétations qui m’obligèrent à demander un droit de réponse.

Ce fut un entretien transcrit sous la forme d’un article d’auteur paru à la fin de l’année 1994 et qui se solda par une nouvelle interprétation spiritualiste annonçant une « logique supérieure » qui guiderait l’hominisation. Je n’ai jamais tenu de tels propos. C’était une appropriation d’une recherche en direction d’un lectorat new age qui se pose des questions existentielles et qui ne les trouve pas dans les réponses théologiques.

Qu’a-t-on fait de ma personne, à qui l’a-t-on exposée en glissant sans m’en avertir, des interprétations spiritualistes et attendues d’un lectorat en quête de sens ?

Quelles attentes, quels espoirs, quels désirs a-t-on créés ? Croit-on que des articles qui ont l’ambition de se substituer aux théologies, n’ont aucun impact sur les consciences qui se posent des questions sur le sens de leur vie ?

On lit sur internet « Anne Dambricourt et sa thèse mystique du sphénoïde ». La sottise du titre révèle le peu d’intérêt de son auteur pour l’origine de son corps et de sa propre conscience.

J’ai déjà exposé la déferlante du complotisme – une réactivité qui s’immerge immédiatement dans la perception maligne de la nature humaine – et l’image que les médias ont perpétuée de ma personne.

L’histoire des sciences interrogera le silence des institutions qui ont laissé des fonctionnaires dans l’impunité, alors qu’ils ont agi avec préméditation au nom de leur titre et de leur fonction (voir Un Film Témoin des Temps).

Bernard Gatinot, un ancien primatologue de terrain, publie en 2017 un ouvrage volumineux édité par le Centre national de recherche archéologique (CNRA) du Luxembourg. L’auteur replace cette découverte au premier plan. Il écrit à la page 85 : « On peut donc s'interroger à juste raison sur le déferlement d'attaques, souvent haineuses, et le mot n'est pas trop fort, qui furent portés contre les recherches et la personne d'Anne Dambricourt Malassé, là où il ne s'agit que de faits. » (« Ecce Homo. Une histoire de l'Homme », Archéologiques 7, 2017).

J’ai regardé cette déferlante avec un certain recul, la découverte étant authentique et largement validée, je l’ai vécue comme une confirmation de la valeur spirituelle de la découverte, car sa destruction est : 1° criminelle dans ses procédés et ses conséquences, 2° elle vise la diffusion de l’idéologie nihiliste qui est la négation d’une signification existentielle possible, 3° elle est mensongère quant aux mécanismes de l’évolution. L’embryogenèse humaine n’est pas une accumulation d’erreurs de copie génétiques depuis les primates primitifs pendant 60 millions d’années.

Ce collapse de la réflexion sur notre identité de phénomène en cours, correspond bien au seuil critique de la noosphère ici et maintenant : soit nous reconnaissons qu’en l'humain des notions comme meurtre, responsabilité, liberté ne sont pas réductibles à des processus physico-chimiques, soit ma question est incompréhensible et c’est inquiétant pour la réflexion.

Outre cette émotivité collective d’une inspiration douteuse, on ne me fera jamais croire que le sexisme n’est pas une des causes de cette violence.


Délivrance et humanisation

Cette découverte s’inscrit dans les processus d’humanisation qu’elle pourrait servir à travers une association à but non lucratif dont j’ai souhaité la création : FREHOPS, Fédération des Recherches sur l'Évolution Humaine, l'Ostéopathie et la Posture au Service de la Santé, parrainée par Yves Coppens. Son site internet s’adresse essentiellement aux ostéopathes et aux posturologues, car ce sont les seuls praticiens qui ont une réelle interpellation évolutionniste sur le redressement du système nerveux, du fœtus à l’adulte, ici et maintenant. La capacité de diffusion est planétaire et je l’espère voir contribuer à une noosphère plus humaine, plus féminine, plus à l’écoute des battements de cœur de tous les germes de vie que porte la planète bleue, une noosphère enveloppant la vie de ses attentions les plus tendres.

J’ai montré le lien entre le questionnement réfléchi et le redressement du système nerveux et je le développe en détail dans un livre, Embryogenèse et phylogenèse de la posture humaine, sorti en avril 2022, qui est traduit en anglais.

Ce site a été créé pour donner accès à la bonne source d’information et neutraliser des pages de Wikipedia ou des sites associatifs comme l’AFIS, qui fut complice de la théorie du complot avec cette obsession ridicule à voir dans ma recherche une volonté déguisée de prouver une programmation divine. S’il y avait eu une programmation, il n’existerait plus que Sapiens comme primate sur la Terre, toutes les espèces auraient muté depuis 60 millions d’années, or il reste des prosimiens, des petits singes en quantité et des grands singes.

Sans mon site, il ne serait pas possible de séparer le bon grain de l’ivraie et d’informer décemment sur toutes sortes de diffamations et de calomnies qui circulent donc à mon propos depuis les premières diffusions de ma découverte à la fin de l’année 1994 et au début de l’année 1995 (Nouvelles Clés, L'Actualité des religions, racheté par Le Monde en 2003).

La nature humaine est ouverte à tous les vents mauvais et c’est une chance de vivre dans un état de droit quand les conditions l’exigent. Certaines démarches se devaient d’être entreprises pour réparer ne serait-ce que des préjudices moraux qui remontent à l’année 1997. Je pense en particulier à l’article « Du rififi dans l'évolution » d’Anna Alter et Philippe Testard-Vaillant paru dans Science et Vie en janvier 1997. J’avais été prévenue depuis des mois qu’un projet d’envergure se préparait contre ma personne, mais sans savoir qui en tirait les ficelles. Un personnage sournois n’avait pas toléré le succès du premier semestre 1996, France Culture avec Gérard Gromer, la conférence au Collège de France à la chaire d’Yves Coppens, la première de couverture de La Recherche, l’éditorial de Jean-François Kahn dans L’Evénement du jeudi, le passage au Cercle de minuit avec Laure Adler, Hubert Reeves et Yves Coppens. Je découvrais l’article dans les rayons d’une librairie. Mon portrait était associé à une autre femme, nue, famélique et verdâtre, le bras tendu au dessus de ma tête, la prétendue mère de l’humanité, Lucy. Lucy présentée comme l’icône de l’absolue Vérité d’un homme complètement dépassé... Quel symbole pour nier la réalité d’une très grande découverte dont l’auteur est une femme...!

L’arrogance du style n’avait d’égale que l’inculture scientifique qui signait l’identité du commanditaire. Un des co-signataires, journaliste de formation littéraire, tentera en vain de justifier l'article en disant : « C’est Pascal Picq du Collège de France! ». Et alors? Un maître de conférences attaché à une chaire appartient au même collège académique qu’un chargé de recherche au CNRS.

Pascal Picq avait été débouté par Yves Coppens lors du débat au Collège de France (voir La Légende Maudite). Ne concevant pas de disparaître de l’aura de la star avec les risques de pertes sèches pour son petit fonds de commerce, il avait obtenu que le Professeur revienne sur ses propos, dès lors lisibles dans cet article: « On ne trouvera jamais une baleine dans la forêt ». Autrement dit, c’est le milieu qui a façonné la locomotion de Lucy. Certes, mais on y trouve aussi des millions d’embryons dans le liquide amniotique des grands singes, et ma conférence au Collège de France avait démontré que c’était bien la courbe de complexité croissante du système nerveux qui avait redressé l’axe de l’embryon et non la locomotion!

Vingt ans plus tard, Yves Coppens me dit qu’il regrettait ses propos contredisant le sens de son invitation à venir comparer la courbe de Teilhard de Chardin et ma découverte.

Le maître de conférences avait cherché à m’atteindre en propageant l’image fallacieuse d’une chercheuse qui se prenait pour ce qu’elle n’avait pas le droit de devenir. Son abyssale bêtise m’a valu la réputation d’une créationniste connue comme le loup blanc. L’onde de choc a été terrible, blessant mes proches et mettant ma carrière en danger.

Je ne pardonnerai jamais et je ne laisserai pas dans l’ombre les faits encore méconnus. L’histoire s’écrira pour mettre des noms sur des responsables, raconter comment j’ai dû signaler l'assistance de mon avocat à une sorte de tribunal du CNRS contraint d’intervenir en 2010 pour stopper des malveillances dans l’évaluation de mon activité. Elles prenaient le relai du quotidien Le Monde dans le processus de mise à l'index de la communauté des chercheurs, alors que j’ai toujours servi mon institution avec honnêteté.

Un totem-louve m’inspire. Il est grand temps pour nous les femmes si malmenées, d’écrire notre histoire et sans tarder. Nous nous le devons dans ce monde où la barbarie est à fleur de peau et pour offrir des lettres de noblesse en héritage aux louveteaux et louvetelles qui ont droit à une image respectable et digne de nos personnes.

ADM