Inde

Anne Dambricourt Malassé

Explorations en Inde

Le haut bassin de l'Indus


Le premier berceau de l'Humanité

L'Afrique n'a pas toujours été vue comme le berceau de l'Humanité. Le premier fossile de grand singe fut découvert dans le sud de la France au milieu du 19ème siècle en 1856: c'est une mâchoire inférieure assez semblable à celle d'un chimpanzé. Elle est datée de l'ère Tertiaire (Miocène, 11,5 millions d'années) et fut nommée Dryopithecus, le « singe des chênes ». Son inventeur, Édouard Lartet, était un assistant du paléontologue Georges Cuvier au Muséum national d'Histoire naturelle.

Le premier penseur de l'évolution, Jean-Baptiste Lamarck (1744-1826), y avait enseigné depuis 1793 et s'était distingué par sa théorie du Transformisme publiée dès 1802. Lamarck décrivait comment, selon lui, la colonne vertébrale d'un primate quadrupède avait pu se retrouver redressée chez l'Homo sapiens. À son époque, deux grands singes sont connus, l'orang outan d'Asie du Sud-Est et le chimpanzé d'Afrique occidentale. Leur équilibre occasionnellement bipède est bien connu et représente, aux yeux de Lamarck, celui de l'ancêtre commun avec Homo sapiens. Tôt ou tard, les archives paléontologiques finiraient bien par livrer un fossile de grand singe. Trente années après sa mort, le Dryopithèque lui donne raison quant à l'antériorité chronologique des singes vis-à-vis d'Homo sapiens.

Le second fossile est découvert en 1879 dans le haut bassin de l'Indus, à 300 km des piémonts de l'Hindou Kouch et de l'Himalaya. C'est encore une mandibule du Miocène, elle fut extraite des formations sédimentaires nommées Siwaliks, « Les Tresses de Shiva », et attribuée à un genre asiatique de grand singe, le Sivapithèque. Les paléontologues vont y récolter de nombreux fossiles jusqu'à ce jour, dans le Potwar pakistanais (d'épaisses molasses accumulées à cause de l'érosion des chaînes) et dans les piémonts occidentaux de l'Himalaya, notamment en Himachal Pradesh à 900 mètres d'altitude. L'un de ces fossiles collectés en 1932 fut nommé Ramapithèque.

C'est un fragment de maxillaire supérieur (museau) qui semblait moins prognathe que le grand singe, et il fut donc attribué au premier hominidé connu. Une autre mandibule de très grande taille, fut trouvée dans le même secteur et baptisée Gigantopithecus puis Indopithecus giganteus. Plus de cinq espèces de grand singe sont donc inventoriées, ce qui atteste d'une importante diversité de ce grade évolutif dans ce secteur du haut bassin de l'Indus de 13 Ma à 7 Ma. Pendant ce temps, des préhistoriens récoltaient sur des sédiments tertiaires plus récents (le Pliocène, 5,3 Ma à 2,588 Ma), des outils d'une facture très primitive avec des galets taillés d'un seul côté et nommés choppers. Le bassin supérieur de l'Indus devient ainsi le premier berceau de l'Humanité.

Choppers collectés par Teilhard de Chardin dans les Siwaliks du Potwar (Pakistan).

In: Les missions préhistoriques du Muséum national d’Histoire naturelle en Haute-Asie et en Asie continentale.

Traditions, continuités et perspectives.

Cours de l’École doctorale, organisation et animation : Anne Dambricourt Malassé, 27-30 mai 2013.

Le premier fossile de grand singe africain fut découvert au Kenya en 1933, quasiment en même temps que le Ramapithèque, grâce à des dents et des mâchoires toujours datées du Miocène. Le genre africain fut nommé Proconsul. La face du Ramapithèque est en réalité aussi longue et étroite que celle du Sivapithèque et de l'Indopithèque. Toutes ces faces partagent la même structure encore visible avec le chimpanzé et le gorille en Afrique, et l'orang outan dans les îles d'Asie du Sud-Est.

Les mandibules de Proconsul (Afrique orientale), Dryopithecus (Europe du Sud),

et Sivapithecus (nord du sous-continent indien)

Moulages des collections de l'Institut de Paléontologie Humaine.

Aucune ne correspond à la face moins prognathe et plus large d'un squelette bien verticalisé depuis la loge de l'hypophyse comme chez le premier Homme (Homo sp.).

Les fossiles d'Australopithèques adultes seront découverts après la seconde guerre mondiale en Afrique du Sud, leur système nerveux est redressé dès le tronc cérébral. En 1959, un fossile encore plus étrange est découvert au Kenya par les Leakey, le Zinjanthrope (ou Paranthrope), qu'ils datent de plus d'un million d'années et auquel ils attribuent des outils lithiques sans pour autant le considérer comme un ancêtre du genre Homo. L'Afrique de l'Est donne à voir des soubresauts d'hominisation, mais le haut bassin de l'Indus reste encore un berceau de l'Humanité jusque dans les années 1970.

En 1974, des Australopithèques sont découverts en Éthiopie et créent la surprise car ils s'avèrent arboricoles comme un grand singe. Depuis, la quête du plus vieux fossile d'Homme se concentre entre les karsts d'Afrique du sud et les fossés d'effondrement de la Rift Valley: certains sont convaincus qu'Homo est la transformation locomotrice et masticatrice d'Australopithèque, alors que d’autres n’excluent pas l'émergence d'une lignée différente de grand singe vers le paléo-lac Tchad. L'Afrique est donc désormais considérée comme le berceau du genre Homo avec de nouvelles surprises comme en 2011, lorsque des restes de Zinjanthrope attestent de son arboricolisme. Le processus du redressement neural s'est déroulé dans le placenta, et j'ai toujours écrit que les nourrissons sont nés dans le milieu forestier riche en eau, là où se reproduisaient des grands singes pliocènes (le Pliocène commence à 5,3 Ma). L'arboricolisme n'ayant aucun rapport avec ces modifications de l'embryogenèse, cette locomotion faisait partie du mode de vie normal de ces espèces. Que les premiers Hommes aient une aptitude à l'arboricolisme n'aurait rien de contradictoire.


Les piémonts himalayens

Dès mes premières années au CNRS (1992-1996), alors que l'Afrique et l'Asie du Sud-Est continuent d'attirer de nombreuses vocations, je me retrouve immergée dans une littérature consacrée à l'Asie centrale montagneuse. Le Pamir avait attiré mon attention à la suite de la rencontre avec Jordi Magraner (1958-2002) et la proposition de Vadim Ranov (1924-2006) d'y étudier une grotte préhistorique était séduisante. En effet, le Pamir et le bassin du Tarim (Chine du Nord-Ouest) constituaient des voies de pénétration fort probables des premiers Hommes remontant la vallée de l'Indus depuis l'océan indien vers la Haute Asie, quand le climat le permettait. Ces voies furent aussi celles des caravanes de la route de la soie et de la Croisière jaune passant par l'Indus.

Au même moment, un étudiant poursuivait sa thèse de doctorat au laboratoire, passionné par la préhistoire de sa région natale – ce qui fut une bien singulière coïncidence, car il s'agissait des piémonts occidentaux de l'Himalaya.

Ensemble, Mukesh Singh et Vadim Ranov avaient prospecté les grottes de l'Himachal Pradesh, dans ces montagnes qui livrent par endroit des fossiles de grands singes. Nous envisagions avec Mukesh Singh et Jordi Magraner de prospecter ces grottes qui se sont retrouvées haut perchées à cause de la tectonique. Les expéditions dans l'Hindou Kouch avaient été un succès mais le contexte géopolitique mit rapidement un terme à tout espoir de poursuite. En 2002, Mukesh Singh me sollicita pour organiser une exploration dans ses montagnes ainsi que dans les petites collines qui les bordent, nommées « chaîne frontale des Siwaliks ».

Carte de la croisière jaune avec la localisation des prospections dans l'Hindou Kouch

puis dans les piémonts himalayens (zone entourée de pointillés rouge).

Les sédiments de ces collines sont plus récents que les limons riches en grands singes, situés un peu plus loin et plus haut dans les piémonts. Surtout, ces terres émergées par la tectonique sont contemporaines des plus vieux homininés africains, et certaines collines, comme le puissant anticlinal de Dhanaura, donnent à voir des séries sédimentaires qui se suivent de 600 000 ans à plus de 6 millions d'années. Une petite route permet de remonter toute la séquence, c'est une traversée dans le temps où l'on ressent la puissance de la tectonique entre l'Inde et l'Asie, qui soulève et compresse hors des profondeurs de la terre plus de 5 millions d'années d'évolution biologique et climatique ! Par endroit, on y collecte des fossiles de 2,7 Ma, des girafes géantes, des tortues terrestres géantes, des Stégodons aux défenses longues de quatre mètres.

D'autre part, les préhistoriens ramassent de nombreux choppers sur les anciennes terrasses des rivières himalayennes, et Mukesh Singh en collectait aussi dans ces collines où les limons et les sables ont plus de 600 000 ans. À l'époque, c'était encore impensable. Des outils primitifs, des fossiles contemporains des homininés africains ? Je choisissais les Siwaliks et laissais les derniers chasseurs-cueilleurs du Pamir plus pour tard. Jordi Magraner n'aura malheureusement jamais connu l'extraordinaire succès qui suivit.


« Homo punjabensis »

En 2003, nous prospecterons les terrains fossilifères abrupts qui ont livré le Sivapithèque et l'Indopithèque et découvrirons une localité fossilifère du Miocène. Nous progressons dans des grottes de l'Himachal Pradesh dont certaines ont très probablement été habitées depuis la préhistoire, puis nous redescendons dans la grande plaine pour sillonner la chaîne frontale des Siwaliks. Nous collecterons quantité de choppers et parfois de rares bifaces (une technologie plus élaborée et plus tardive que la taille d'un seul bord). À cette époque, on lit encore que la fin de l'ère tertiaire est à 1,8 Ma.

Site paléontologique miocène dans les piémonts de l'Himachal Pradesh.

Photo © Anne Dambricourt, 2003.

Couches géologiques miocènes des piémonts de l'Himachal Pradesh, redressées quasiment à la verticale.

Photo © Anne Dambricourt, 2003.

En 1987, deux archéologues britanniques, Linda Hurcombe et Robin Dennell, avaient repéré dans les Siwaliks du Pakistan, des éclats et un grand galet aménagé sur un bord, datés de 2 millions d'années au moins. Ils n'oseront pas annoncer un âge vraisemblable de 2,4 Ma. Par ailleurs, les Siwaliks sont mondialement connus pour leurs fossiles qui s'accumulent depuis le Miocène (18 millions d'années).

En 2007, je demandais à Mukesh Singh de me conduire dans les secteurs fossilifères de la chaîne frontale, pour collecter des fossiles d'animaux associés aux galets qui servent à fabriquer les choppers. C'était le meilleur moyen de trouver des fossiles d'homininés. C'est ainsi que je pénétrais pour la première fois dans la petite boutonnière géologique de Masol, au nord de la capitale du Punjab, Chandigarh. C'est un dôme aux marges profondément érodées par la mousson et où subsistent sur 40 mètres d'épaisseur, des sables et des limons d'origine fluviatile, riches en fossiles de vertébrés aquatiques et terrestres. Leur âge est connu depuis le début du 20ème siècle, tous ces os datent de la fin de l'ère Tertiaire. J'ignorai cependant quelque chose de significatif pour les préhistoriens indiens: ces limons ne sont pas censés contenir des galets et s'ils datent bien de la fin de l'ère Tertiaire, cette datation n'est pas celle des préhistoriens mais celles des paléontologues, autrement dit plus de 2,6 millions d'années !

Or, en 2008, Mukesh Singh collecte un chopper dans des limons remaniés parmi d'anciennes carapaces de tortues brisées en mille morceaux...

En 2009, pour en avoir le cœur net, je me rends sur place avec ma collègue Claire Gaillard qui avait participé aux expéditions de l'Hindou Kouch. Nous collectons d'autres outils, ainsi que des galets en quartzite, puis, comme pour confirmer mes intuitions, un de nos étudiants indiens – un jeune préhistorien à présent – ramassa un fragment de tibia de bovidé bien minéralisé, portant des marques de découpe intentionnelles. Si l'âge de l'outil était indémontrable, celui de leur fabrication était incontestablement prouvé par celui du fossile, soit plus de 2,6 millions d'années. Et des galets se trouvaient dans les mêmes boues. Il existe donc des galets en quartzite dans le Pliocène final.

Or, les plus vieux choppers se trouvaient dans la Rift Valley africaine et datés de 2,5 millions d'années. C'était déjà très ancien pour de l'Homme, alors que le plus vieux fossile a 2,4 Ma et se trouve dans l'hémisphère sud de l'Afrique.

Ce sont les traces de boucherie qui ont permis de ne pas céder à nos propres doutes. Il fallait trouver les choppers, les éclats, les enclumes et les percuteurs dans les limons. Le Muséum nous fit confiance et en 2011, avec une petite équipe franco-indienne, nous collectons de nouvelles traces de découpe, une centaine d'outils sur les limons lessivés par la mousson et plus d'un millier de fossiles dispersés sur 50 hectares.

Masol est la remontée en surface de nombreux sites de charognage dispersés sur les anciennes rives sinueuses d'une grande rivière himalayenne, et observables tant que les cadavres s'y accumulaient (soit le temps de former 40 mètres d'épaisseur de sédiments). Les galets s'expliquent comme les accumulations de cadavres, par les pluies de mousson qui s'abattent sur l'Himalaya et provoquent de grandes inondations en emportant les galets des terrasses himalayennes où ils se redéposent dans la plaine inondable au gré des méandres.

Tableau illustrant la plaine inondable sous-himalayenne à la fin du Pliocène, Musée de Saketi.

Photo © Anne Dambricourt, 2017.

Je fais part de ces découvertes à Yves Coppens qui me reçoit au Collège de France et qui leur accorde le plus grand intérêt: il parraine un projet de Mission archéologique du Ministère des Affaires Étrangères. Un plan de financement quadriennal présenté à une commission d'experts est accepté. Je dirige la mission. En 2015, je suis rédacteur en chef invité des Comptes Rendus de l'Académie des sciences pour un fascicule thématique entièrement dédié à Masol. Avec mon équipe (huit chercheurs), nous publions dix articles en anglais dans lesquels tout y est décrit – de l'historique des recherches depuis le 19ème siècle à la description des outils, des fossiles, des traces de boucherie, les datations, la lithostratigraphie des localités.

L'ambassadeur de France et le conseiller scientifique à New Delhi ont pleinement conscience de la nature de la découverte qui est de tout premier plan, non seulement pour l'Inde, mais aussi pour la compréhension de nos origines. Un événement inattendu va bouleverser le calendrier des publications, avec l'invitation du Premier Ministre de l'Inde, Narendra Modi, adressée au Président François Hollande au terme de la COP 21, à venir célébrer le Republic Day.

Les articles doivent être prêts pour le 24 janvier 2016, jour de la rencontre des deux chefs d'État à Chandigarh et de l'inauguration de la première exposition dédiée à Masol. C'est une course contre la montre pour obtenir de l'éditeur Elsevier la parution d'un maximum d'articles en ligne.

Le Muséum fera paraître un communiqué de presse donnant toutes les garanties: l'accord de mon directeur d'Unité de Recherche, suivi de celui du conseiller scientifique du Président du Muséum, puis celui de la directrice de la recherche scientifique et enfin, la signature du Président du Muséum, Bruno David. Nous avions co-signé deux articles dans les années 2000 avec le paléontologue Jean Chaline, avec la courbe du redressement neural et la contraction de la face visible sur 40 millions d'années.

L'exposition est montée en moins de quinze jours au Muséum de Chandigarh, sous le contrôle des hauts fonctionnaires de la cité en charge du patrimoine. Il me revient de concevoir, de rédiger et d'illustrer une vingtaine de panneaux. Les os aux traces de boucherie sont exposés, ainsi que de beaux spécimens de fossiles et des exemples de choppers dont nous sommes sûrs qu'ils proviennent des limons. Une fourmilière d'ouvriers et de techniciens s'active jour et nuit. Les derniers ouvriers quittèrent le hall le jour J, à quatre heures du matin.

Mukesh Singh et moi-même sommes les seuls autorisés par le service du protocole à guider le cortège présidentiel. Comme l'écrit Yves Coppens, Masol est un record dans le temps, et ce n'est pas rien d'annoncer des traces d'activités humaines vieilles de plus de 2,6 millions d'années en Inde.

La mise en place de l'exposition.

Photo © Anne Dambricourt, 2016.

La visite guidée au Muséum de Chandigarh, le 24 janvier 2016.

Les quotidiens français ont fait leurs gros titres sur la vente des rafales. Les médias indiens ont relayé abondamment, avec un feu d'artifice d'opinions de savants indiens incrédules car la chose était trop belle, mais enthousiastes quand même à l'idée qu'elle puisse être authentique. En France, les médias furent France Inter, des revues mensuelles ou hebdomadaires comme Le Point, Archéologia, La Recherche, et un entretien lisible sur Scilogs, avec le journaliste de Pour la Science, François Savatier.


Le plus vieil outil fait de main d'Homme

Quelques mois plus tard, Mukesh Singh m'envoie une photo d'un galet fendu qui émerge des limons. L'ambassade finance deux billets d'avion.

Et quel succès ! Le galet est à cinquante mètres du tibia aux traces de découpe ramassé en 2009, nous ouvrons une fouille pour le dégager, il est en place, dans les limons d'origine. La preuve est là, simple mais irréfutable. J'en informe aussitôt les collègues restés en France, Yves Coppens, et le conseiller de l'ambassade.

À cause d'une panthère qui se déplacerait dans le secteur, et alors que nos sacs à dos sont chargés de fossiles et pesants, nous sommes contraints de remonter le dôme dénudé et de rester à vue. Fatiguée, je choisis de descendre le lit sec du petit torrent saisonnier, les collègues me suivent. Dans le sable fin, j'aperçois une surface de couleur brune, typique des fossiles. L'objet est enfoui profondément, je le dégage, c'est un grand fragment de tibia de Stégodon (21 cm de long). Malgré le sac surchargé et les épaules douloureuses, je décide de l'emporter, lorsqu'une odeur pestilentielle stoppe nette la progression; au détour d'un petit méandre apparait un cadavre de vache. Nous faisons demi-tour, montons le dôme comme prévu, mon sac alourdi d'un os encombrant. Le lendemain je le lave, et découvre cinq magnifiques entailles, parallèles et placées là où il convient de sectionner des tendons pour désarticuler les membres. Inutile d'imaginer des traces récentes, l'os est en pierre et les tranchants en quartzite ripent à la surface des esquilles équivalentes. Il faut que le périoste soit frais pour obtenir des incisions aussi profondes et rectilignes.

Le bilan de 2017 est exceptionnel : le premier chopper en place et le quatrième fossile avec des traces de découpe intentionnelle spectaculaires. Le quotidien indien The Times of India (l'équivalant du Times) fait rapidement état de la découverte. Puis un journaliste de Science et Vie, Thomas Cavaillé-Floch, publie en juillet 2017 le premier article de grande vulgarisation illustré de ces traces de boucherie et d'une carte montrant une sortie d'Afrique avant 2,6 Ma. Nous sommes trois à prendre position: Yves Coppens, Eric Boeda et moi-même.

La preuve du peuplement humain de l'Asie au cours de l'ère Tertiaire est une découverte sans précédant avec un portrait du premier Homme qui n'est pas celui de tribus de chasseur mais de charognards, habitués aux effluves nauséabondes des charognes et à la proximité des hyènes, présentes à Masol.

Site du premier chopper en place, en arrière-plan le village de Masol.

Photo © Anne Dambricourt, 2017.

L'Afrique étant considérée comme le berceau du genre Homo, tant qu'un hominien de 3,3 millions d'années ne sera pas découvert dans les Siwaliks, le chopper en place de Masol devient le plus vieil outil fait de main d'Homme connu à ce jour. Mais il n'était pas seul, car pour le fabriquer, il a fallu une enclume et un percuteur. Nous en avons trouvés parmi les galets qui sortent des limons... Puissent-ils nous guider jusqu'au premier fossile de l' « Homo punjabensis ».