Sapiens et l'Empire du Milieu

Anne Dambricourt Malassé

Sapiens et l'Empire du Milieu


La paléontologie, la préhistoire et l’archéologie sont de jeunes sciences dans la province du Guizhou (Chine du Sud), elles se développent avec le Muséum provincial, l’Institut des ressources montagneuses de son Académie des sciences, l’Institut des Vestiges culturels et d’Archéologie de Guiyang et des Bureaux d’archéologie répartis dans les différents comtés, parfois adossés à des petits musées.

Au premier plan, l'Institut des Vestiges culturels et d'Archéologie, Guiyang, Province du Guizhou.

Photo © Anne Dambricourt Malassé, 2014.

En préhistoire, quelques sites majeurs ont retenu l’attention depuis la fin des années 1970, grâce à Pei Wenzhong (1904-1982), figure iconique de la paléontologie humaine en Chine. En effet, Pei découvre l’hiver de l’année 1929 et au plus profond du karst de Zhoukoudian, le premier crâne d’Homo erectus d’Eurasie continentale, le fameux « Homme de Pékin ». Ce n’est encore qu’un jeune géologue attaché au tout récent « Centre de recherche du Cénozoïque » (l’ère tertiaire) du Bureau de Géologie de Chine. Ce centre avait été créé l’année même au sein de la fondation américaine Rockefeller, le « Peking Union Medical College », grâce à la ténacité d’un médecin canadien, Davidson Black, convaincu de la valeur paléoanthropologique du karst. L’étude géologique était dirigée par le paléontologue Pierre Teilhard de Chardin mais c’est Pei qui descendait dans le karst progressivement vidé de ses tonnes de sédiments. Teilhard, surpris de ne voir aucune industrie lithique, lui posa donc la question. Le jeune homme lui montra des pierres singulières, elles étaient taillées intentionnellement. Ces outils étaient les plus anciens jamais découverts en stratigraphie, la découverte eut un impact mondial.

Pei Wenzhong (à droite) et Pierre Teilhard de Chardin (à gauche) sur le site de Zhoukoudian.

Cette photo méconnue est en ligne sur le site chinois www.cnfossil.com

Teilhard était resté proche de son directeur de thèse, Marcellin Boule. Ce géologue était l’administrateur de l’Institut de Paléontologie Humaine de Paris (IPH), une fondation du Prince Albert 1er de Monaco datant de 1910 et premier centre de recherche créé dans le monde pour comprendre nos origines. Pei Wenzhong qui avait eu l’œil averti, y séjourna pendant deux années, inscrit à l'université de La Sorbonne pour une thèse sur des industries lithiques sous la direction du préhistorien l’abbé Henri Breuil (1877-1961). Breuil était professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’ethnologie historique de l’IPH, c’était une référence mondiale. Il s’est rendu sur le site, rapporta des collections et en conclut qu’un cerveau nettement moins développé que le nôtre était déjà capable d’une intelligence technique insoupçonnée. L’IPH a donc un lien particulier avec la naissance de la préhistoire chinoise et la rapide progression dans la compréhension des processus d’hominisation (collections ostéologiques et lithiques de plusieurs sites, moulages originaux, publications dans la collection des Archives de l’Institut).

Le quatrième mémoire des Archives de l’Institut de Paléontologie Humaine,

dédié au paléolithique de la Chine, signé de M. Boule, H. Breuil, E. Licent et P. Teilhard,

et quelques artéfacts lithiques du premier site préhistorique découvert en Chine à Choei Tong Keou.

Photo © Anne Dambricourt Malassé, conférence pour « Paris Face Cachée », février 2016.

En 1938, la guerre sino-japonaise suspend les fouilles. De retour en France, Teilhard est contraint de rester à Paris. Comme Davidson Black, il obtient la création d’un laboratoire de « Géologie appliquée à la paléontologie humaine » de l’École Pratique des Hautes Études (EPHE). Ce laboratoire fut créé pour lui par décision du ministre de la Culture, Jean Zay, et rattaché à l’Institut de Paléontologie Humaine à la demande de Teilhard. C’était une simple pièce mais assez grande, avec parquet et cheminée, qui lui sera dédiée jusqu’à son départ en retraite en 1951. Il décèdera quatre ans plus tard à New York terrassé par une crise cardiaque.

La présence de ce penseur de l’évolution, exceptionnellement pluridisciplinaire pour l’époque, imprégnait encore les murs de l’Institut lorsque son administrateur, Henry de Lumley, m’installait voici plus de 35 ans, en 1982, dans la salle de collection de paléontologie humaine. Je ne me doutais pas que sept ans plus tard, l’éminent paléontologue Jean Piveteau (1899-2001), fondateur de la chaire de paléontologie de l’université de la Sorbonne, me coopterait pour succéder à Jeanne Mortier, la fondatrice et secrétaire générale de la Fondation Teilhard de Chardin vouée à la transmission de cette pensée pluridisciplinaire. Reconnue d’utilité publique depuis 1964, elle est l’unique fondation hébergée par le Muséum national d’Histoire naturelle. Ce choix de l’État donne la mesure de ce que son œuvre a apporté à l’Humanité au lendemain de la seconde guerre mondiale : redonner de l’espérance en l’humain en cherchant une trace d’amour universel dans la cosmobiogenèse jusque dans l’anthropogenèse. C’était un beau projet, mais il est hors de portée des instruments scientifiques.

Nous savons qu’il faut replacer sa quête d’amour universel dans une recherche de cohérence personnelle et dans le contexte historique. Teilhard a connu les massacres des tranchées de la guerre de 14/18 alors qu’il était tout jeune prêtre et préparait sa thèse sur l’évolution des mammifères à l’ère tertiaire. Il devait bien être le seul français, à la fois prêtre catholique au cœur de l’enfer comme brancardier et thésard de la Sorbonne en paléontologie.

Teilhard a vécu une expérience existentielle au front car il se questionnait sur l’évolution, et il fut sans doute unique en ce sens. Comment accepter l’horreur à l’échelle planétaire, dans la perspective de l’évolution biologique sur terre, et croire qu’en l’humanisation quelque chose se trame sur cette planète en relation avec l’origine de la cosmogenèse ? Jusque dans les années 1950, les sciences humaines dédaignaient la question des origines naturelles de l’être humain, la culture et la littérature étaient considérées comme l’évidence d’une différence de nature avec l’animalité, et bien sûr, cette animalité des origines était elle-même bannie des religions monothéistes. Teilhard ne supportait pas cette suffisance des intellectuels et des théologiens. Comment ne pas comprendre qu’il s’est engagé dans une recherche d’une signification qui relie la duplicité de la nature humaine à celle de la cosmogenèse à travers une réalité universelle : la lutte contre l’entropie, ou le désordre qui se dissipe lors d’un accroissement d’organisation. La complexité croissante d’un système dynamique est une forme de lutte contre la dégradation, en un mot, contre l’imperfection et la mort. Et cette lutte transmise depuis les premières cellules se prolonge dans chaque organisme dès la fécondation jusqu’à sa propre mort. C’est l’évolution qui ne meurt pas, jusqu’à ce jour.

Teilhard n’a pas abordé l’origine de la culture et les sciences humaines sont encore loin d’avoir compris la trame qui les unit, nous en verrons plus loin les raisons.

Mais déjà l’Institut de Paléontologie Humaine, grâce à la sagesse de son fondateur, offrait un havre de sérénité aux recherches en sciences de la terre et en paléontologie humaine côtoyant les actes créateurs de l’humain, avec les outils taillés, l’art préhistorique, les représentations chamaniques et les symboles, incompréhensibles en paléontologie animale.

La bibliothèque de l’Institut de Paléontologie Humaine, la première année.

Photo Vizzavona 1920 © Fondation I.P.H.

Le Prince Albert 1er de Monaco avait perçu l’importance vitale pour l’humain de se mettre à la recherche de cette singularité créatrice artistique et symbolique, désormais liée à la genèse de l’univers. Il fallait protéger ses recherches des institutions étatiques investies par les idéologies car le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Académie des sciences n’avaient cessé d’en être le théâtre depuis l’émergence du transformisme.

Il convient donc de replacer la synthèse de Teilhard dans le contexte des paradigmes, des guerres et des idéologies meurtrières depuis la fin du 19ème siècle et jusqu’au milieu du 20ème siècle. Il n’a pas procédé à la découverte de processus de l’évolution mais il intégrait déjà la physique quantique, la thermodynamique et la biochimie dans sa recherche de synthèse, s’inspirant d’Erwin Schrödinger et de son livre What is life ? (1944).

Pour lever tout obstacle au postulat d’une discontinuité de nature entre biologie et culture, il proposa de voir la « matière » comme la face organisée et visible de l’esprit. Quant à l’amour, il en voyait les prémices dans les forces créatrices de la vie. Mais il lui manqua l’expérience que vivent les femmes, mises à part du monde masculin avec la perte des eaux de l’accouchement : elles sont les premières à témoigner de l’imperfection de l’évolution lorsque de leur corps sort un petit être attendu mais déjà mort ou malformé et non viable à court terme. Comment pourrait-on y voir la preuve manifeste d’un amour universel croissant ?

L’amour, comme Teilhard l’a recherché, n’est pas en lutte contre l’entropie, cet amour-là est en lutte contre le déni de sa présence, ce n’est pas du même ordre ontologique. On ne peut l’évoquer que pour l’avoir vécu en creux avec la douloureuse expérience de la solitude au cœur d’un néant insensible. L’être ressent ce qui lui manque de plus absolu, c’est la présence d’un amour illimité et inouï qui pulvérise le néant à l’infini. À l’instar du big bang, cette présence devrait se manifester comme un rayonnement au travers de nos particules élémentaires, mais celui-là ne s’imprime pas sur les appareils de mesure.

Pour un prêtre chrétien qui célèbre l’eucharistie chaque matin, c’est le mal qui justifie l’avènement de l’amour sans fin par le Christ. C’est pourquoi la plus grande critique qui lui sera objectée par les docteurs de son église est la banalisation du mal réduit aux forces destructrices de l’entropie.

L’échec de Teilhard est l’impossibilité d’articuler les connaissances scientifiques et cette expérience intime que l’on ne peut dire à personne et qui n’est audible que de cette seule présence au risque d’en perdre la raison de vivre. Il n’est pas question, ici, de mettre en cause la pertinence de sa foi, c’est la posture intellectuelle consistant à vouloir tout formaliser par les voies de la science qui me heurte autant que son ambition à faire de son ouvrage Le Phénomène Humain une œuvre scientifique. Teilhard n’a pas découvert de processus de l’évolution, c’est un essai personnel.

Je préfère le témoignage – le sien comme celui d’une autre personne – à vivre comme une confirmation réciproque. Le témoignage unique, singulier, non reproductible, est irréductible, et il résiste à la dérive totalitaire du scientisme qui aspire à tout maîtriser pour nier tout ce qui échappe au contrôle de la mesure et de l’éprouvette.

Si l’on replace le raisonnement de Teilhard de Chardin dans une phénoménologie, et non une entreprise scientiste, cette présence aimante ne pourrait s’amplifier au fil de la cosmogenèse qu’à mesure de l’amplification de la destruction, de la mortification, de l’extinction de masse, ce serait un drame cosmique dont Sapiens, seul capable d’un déni librement consenti, serait le théâtre ultime sur cette planète, Sapiens ou l’Empire du Milieu.

C’est ainsi que l’on pourrait au mieux comprendre la cohérence d’une spiritualité évolutionniste qui voit en l’amour et l’altérité les plus hautes valeurs de l’humanisation des comportements, quelles que soient les blessures du corps, de l’hominisation touchée par l’entropie.

Pendant une dizaine d'années, j’occupais une pièce au-dessus de l’ancien bureau de Teilhard et je n’ai jamais douté que sa synthèse scientifique était la plus aboutie pour son époque. Je m’inscris dans cette lignée quand bien même ma recherche ne s’y réfère pas. Elle croise inévitablement son chemin puisque sa courbe objective l’évolution cérébrale sur les très longues durées. Depuis, d’autres champs de la connaissance ont enrichi l’éventail de l’exploration et c’est dans cet éventail que j’inscris l’avant-garde de ma recherche, en ayant introduit l’embryogenèse et des dynamiques en paléontologie humaine et tout ce qui en découle : les effets de seuil, la vie intra-utérine, le développement psychomoteur, psychoaffectif et la formation des symboles.

Le père Teilhard ne partageait pas ses questionnements sur la nature du mal et de l’amour avec ses collègues chinois, comme en témoignait Jia Lanpo (1908-2001) rencontré à Pékin en 1999. Il occupait un petit appartement proche de l’Institut de paléontologie des vertébrés et de paléoanthropologie (IVPP) créé en 1953 et rattaché à l’Académie des sciences de Chine. Il estimait Teilhard qui n’a jamais cherché à le convertir et les chinois expriment un grand respect à son égard.

L’Institut chinois de paléontologie avait repris le Centre de recherche sur le Cénozoïque et intégré le Quaternaire pour les découvertes préhistoriques. Pei Wenzhong fut missionné en 1981 pour inventorier les fouilles archéologiques d’un karst du Guizhou dans l’extrême sud-ouest de la Chine, nommé la « grotte tunnel ». Courte de 30 mètres de long, elle est célèbre en préhistoire sous le nom de Chuandong.

Le Muséum du Guizhou et l’IVPP ont ouvert un sondage d’une douzaine de m3 sur plusieurs mètres de profondeur récoltant 3000 outils en pierre taillée, des os brûlés en quantité astronomique et 500 outils en os poli avec des aiguilles, des pelles et des maillets ainsi que 30 restes humains dont un crâne d’Homo sapiens complet. La quantité d'os polis était exceptionnelle, l’Académie des sciences de Pékin qualifia Chuandong de « Lumière de la civilisation asiatique ». En 2017, les datations montrent une occupation depuis 34 000 ans contemporaine de l’homme de Cro-Magnon en Europe (28 000 ans) jusque 12 000 ans. Le potentiel archéologique de ce site est colossal.

La grotte tunnel de Chuandong en 2014.

Visite avec Cao Bo, Zhang Pu et des autorités du comté.

Photo © Anne Dambricourt Malassé, 2014.

Un élève de Pei Wenzhong, Cao Zetian, du Muséum du Guizhou à Guiyang, fut en charge du sondage puis il développa la recherche préhistorique à travers la province. Au début des années 1980, des milliers de dents animales sont découvertes dans une petite galerie souterraine près de Tongzi. Des chercheurs de l’IVPP ont étudié les collectes et décrit des restes de charbons d’un foyer, quelques outils en pierre taillée et des dents humaines attribuées à Homo erectus, les premiers de la province. Cao Zetian termina la fouille en 1988, ramassant encore des milliers de dents. Quelques stalagmites formées sur la couche furent datées à 240 000 ans. L’assemblage était exceptionnel à cause des traces d’un feu domestique préhistorique, rarement conservé en Asie pour ces époques. L’Europe était alors peuplée de Néandertaliens.

Une jeune géologue, Zhang Pu, fut chargée d’inventorier ces dents. Puis, suivant les pas de Pei Wenzhong, elle vint à son tour se former à l’Institut de Paléontologie Humaine pour une thèse en préhistoire. Nous fîmes connaissance. Zhang Pu souhaitait m’associer au développement de la paléoanthropologie de sa région natale. C’est ainsi que depuis son retour en Chine, je découvre le Guizhou et l’inventaire de son patrimoine. Des visites se sont étendues au Yunnan jusqu’au célèbre site fossilifère de Shihuba où furent extraits des os d’un grand singe de 6 Ma, le Lufengpithecus. Sa face supérieure rappelle le Paranthropus d’Afrique orientale et son fémur atteste d’une bipédie fréquente. Mais il en est rarement question dans les débats sur les origines de la bipédie humaine.

Un second genre, connu dans d’autres secteurs du Yunnan, montre une face semblable à l’orang-outan. J’ai pu observer ces fossiles à Kunming, la préfecture du Yunnan, puis à Pékin, à l’IVPP. Il est évident que la lignée des orangs-outans n’était pas la seule et qu’elle coexistait avec une autre ligné d’hominoïde fréquemment bipède. Mais elle aurait totalement disparu comme toutes les autres espèces de grand singe qui occupaient le pourtour des massifs montagneux jusqu’au haut bassin de l’Indus.

Le site de lignites fossilifères de Shihuba, du district de Lufeng, Yunnan, 2009.

Photo © Anne Dambricourt Malassé.

Parmi les milliers de dents de Tongzi, Zhang Pu avait repéré une molaire qu’elle me confia pour expertise. Nous avons visité la galerie vidée de son remplissage. Il ne s’agissait pas de sols d’occupation préhistorique mais d’une succession de coulées de boue dans l’endokarst, dont une contenait ces milliers de fossiles. Rien ne prouvait que les dents humaines fussent contemporaines.

La galerie de Yanhuidong, district de Tongzi, vidée de son remplissage sédimentaire.

Photo © Anne Dambricourt Malassé, 2009.

Elle ressemblait à la « dent de 6 ans », la première molaire ou M1, mais sa forme était inconnue. Deux M1 collectées lors des premières fouilles avaient été attribuées à Homo erectus puis à Homo sapiens. Elles ont chacune une forme différente. La taxonomie était donc incertaine. Une revue de cette molaire chez les espèces fossiles confirma sa nature humaine mais aucune dent du registre fossile mondial ne lui ressemblait.

Après concertation avec des anthropologues de l’IVPP, le consensus fut entendu, la dent est une dent de lait de grande taille, la première jamais collectée pour toute l’Asie continentale. Mais son espèce demeure inconnue. Comme sa forme est un modèle réduit de la M1 qui se développe derrière elle, j’en ai déduit que les trois molaires de Tongzi représentent trois lignées humaines ayant vécu en Chine du Sud avant 240 000 ans. Les paléoanthropologues chinois ont accepté cette analyse publiée dans la revue Acta Anthropologica Sinica de l’Académie des sciences de Pékin (Dambricourt Malassé et al. 2018).

Le paléopeuplement de l’Asie fut, bien sûr, plus complexe que celui d’une seule lignée d’Homo erectus sortie d’Afrique vers 1,8 Ma. Nous savons que ce scénario est obsolète avec la découverte d’une présence humaine depuis plus de 2,6 Ma en Inde sous-himalayenne et au moins 2,5 Ma à Longgupo au nord-est du Guizhou. Ces outils sont aussi anciens que les plus vieux outils humains d’Afrique (2,5 Ma Kada Gona). À quelles espèces appartenaient ces trois lignées du Sud de la Chine ? Pouvait-on admettre la présence de sapiens à 240 000 ans en Asie alors que le plus vieux spécimen est un crâne de 200 000 ans en Ethiopie ? La datation publiée en chinois était passée inaperçue. Si cette identité s’avérait exacte, alors la nouvelle ferait la une de Nature avec fracas car la science contemporaine exclut l’Asie du processus de « sapientisation », comme elle l’exclut des processus qui génèrent des hominiens.

Comparaison de la molaire de lait de Tongzi (C) et des deux M1 de Yanhuidong (A et B)

avec Sapiens de Qafzeh (D), 95 000 ans, dent originale des collections de l’IPH

(in Dambricourt Malassé et al., 2018).

La première lignée de Tongzi a une M1 de forme rectangulaire (photo B), elle est présente en Chine depuis au moins 2 millions d’années alors qu’à cette même période, elle est carrée en Afrique (Early Homo) et en Asie occidentale (Homo georgicus). Ces dents n’ont donc pas d’ancêtre commun connu.

La seconde lignée est celle de la dent de lait avec une forme en trapèze (photo C). Des M1 ont été identifiées récemment en Chine centrale avec ce patron, c'est une lignée chinoise plus tardive d’origine inconnue.

La troisième a une forme en losange (photo A et D). L’étude montre que ce patron existe depuis au moins un million d’années en Afrique du Sud mais les inventeurs de la molaire ne lui ont pas donné de nom d’espèce. C’est aussi le patron du sud-africain Homo naledi daté de 250 000 ans. Il se retrouve avec Homo heidelbergensis en Algérie (Tighenif, 700 000 ans), Homo antecessor en Espagne (800 000 ans), Homo neanderthalensis en Eurasie (à partir de 300 000 ans) et sapiens. En somme, ce patron connu en Afrique du Sud depuis 1 Ma est l’ancêtre commun aux lignées eurasiennes fossiles et à sapiens.

La rigueur veut que le nom de sapiens, défini par Linné en 1758 pour décrire notre anatomie, soit donné aux fossiles qui ont la même morphogenèse que la nôtre depuis l’embryogenèse. J’ai toujours défendu cette condition première, elle n’est pas entendue car la période embryonnaire n’est toujours pas prise en compte en paléontologie humaine. Or, l’embryon est un organisme vivant animé de mouvements tissulaires qui mettent en place les organes et la structure du futur squelette avant la croissance fœtale. Les plus spectaculaires sont les animations du futur encéphale qui redressent le tronc cérébral. L’embryogenèse est évidemment la première réalité objective dans la vie d’un organisme.

Le nom de sapiens ne s’applique pas seulement au crâne, il définit le squelette et le système nerveux central le long de l’axe antéro-postérieur de l’embryon avec ses dynamiques. Elles brisent l’axe horizontal au milieu de la base du crâne et redressent le tronc cérébral en abaissant la future loge du cervelet, modifiant la position des os de la face qui se « contracte » vers le cervelet. Le sphénoïde est au centre de ces changements de position qui se traduisent par une réduction du volume de la gorge.

Les notions d’espèce, de sous-espèce, de genre, de famille sont des créations de l’esprit humain inventées au 18ème siècle pour classer les organismes alors que la théorie de l’évolution n’existait pas encore. Ces catégories n’ont rien de commun avec la morphogenèse embryonnaire. Qu’importe que ce soit une espèce, un genre, une famille, c’est d’abord une construction. J’écris donc Sapiens au lieu de sapiens à bon escient, ce nom qualifie notre morphogenèse avec des trajectoires dynamiques qui apparaissent depuis les premiers stades embryonnaires et qui dessinent les futures formes squelettiques.

Le premier changement angulaire qui distingue un crâne Sapiens est donc celui de la base du crâne, celui du redressement embryonnaire et il est identifiable sur un crâne adulte, ce n’est pas une spéculation. Le premier changement est celui de la position du tronc cérébral et de la loge cérébelleuse par rapport au plancher des lobes frontaux. La forme et le volume des hémisphères cérébraux et cérébelleux sont secondaires car plus tardifs dans l’ontogenèse.

Les crânes de Choukoutien avaient un cervelet moins avancé vers l’avant et le bas que Sapiens et ils étaient classés dans l’espèce erectus du genre Homo. Mais en l’absence d’une base de crâne, il n’est pas possible de se prononcer pour la troisième M1 de Tongzi entre une lignée dérivée d’Homo heidelbergensis – au cervelet en position haute – ou un Sapiens.

Suite aux datations du site marocain de Jebel Irhoud, un article de Nature annonce en 2018 l’existence d’Homo sapiens depuis au moins 300 000 ans. Mais de quel « sapiens » parle-t-on ?

Comparaison dans le plan de Francfort des profils de Jebel Irhoud 1 (moulage) et de Qafzeh (Sapiens, téléradiographie originale). Ces individus n’avaient pas les mêmes dynamiques embryonnaires de redressement neural et de contraction cranio-faciale.

Photo © Anne Dambricourt Malassé.

Nous sommes entraînés dans une période de grande confusion, celle d’une idéologie qui masque des réalités vitales pour la compréhension de notre identité évolutive.

Le crâne n°1 de Jebel Irhoud longtemps conservé au Musée de l’Homme, sert de référence, la loge du cervelet est plus haute que l’Homme « anatomiquement moderne », c’est-à dire-nous, Sapiens depuis l’embryogenèse. Pour cette raison, les anthropologues l’ont nommé « Homo sapiens archaïque » comme d’autres crânes en Afrique et en Asie. L’auteur de cette annonce, le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin, adhère à cette interprétation. Le scoop n’est donc pas la découverte d’un « Homo sapiens archaïque » mais sa datation. Les médias entretiennent la confusion implicitement présente dans l’effet d’annonce, en omettant de préciser que ce n’est pas de notre anatomie dont il s’agit. Dans l’état actuel des connaissances le plus vieux Sapiens n’a que 200 000 ans.

La question que je pose est : pourquoi donner le nom de « sapiens » à des fossiles qui n’ont pas notre morphogenèse neurale embryonnaire ?

La contraction entre la base et le maxillaire de Sapiens réduit le volume de la gorge, elle est nettement plus prononcée que celle d’un taxon plus ancien, elle est objective et première dans l’ontogenèse puisqu’elle remonte à la période embryonnaire. Avec Jebel Irhoud, le palais est plus éloigné de la loge du cervelet et de la puissante apophyse sur laquelle s’insèrent les muscles de la nuque. L’orientation du tronc cérébral et du cervelet est moins verticalisée. La sphérisation des os qui recouvrent les hémisphères cérébraux et le cervelet, se voit bien avec Sapiens. Ce processus a été étudié par Delattre et Fenart dans les années 1960 grâce à la téléradiographie et il est bien décrit dans L’hominisation du crâne (Éditions du CNRS).

La sphérisation de la nuque n’a été possible que suite au redressement du tronc cérébral, le cervelet s’est développé parce que l’instabilité axiale qu’il doit contrôler après la naissance s’est élevée, d’autant plus qu’il se retrouve dans la boucle instable.

La construction d’un organisme commence à la fécondation avec les gènes et le cytoplasme et c’est aux anatomistes de savoir distinguer l’embryogenèse de notre charpente osseuse chez des fossiles. L’interprétation d’un crâne fossile doit suivre la chronologie du développement, donc commencer par le centre de la base puis la position du cervelet avant de se concentrer sur la voûte.

La classification de Linné par emboîtement inventée avant la théorie de l’évolution est inadaptée aux systèmes dynamiques complexes et aux émergences par effet de seuil. L’embryogenèse Sapiens ne s’emboîte pas dans celle d’Homo. L’embryogenèse reprend la trajectoire du redressement depuis le départ et la prolonge dans un contexte dynamique différent, plus long et plus complexe. Soit l’embryogenèse a dépassé le seuil de redressement d’Homo, soit elle est toujours Homo quelle que soit la variété géographique et temporelle des hémisphères cérébraux et cérébelleux (voir The Last Threshold).

Jebel Irhoud n’est donc pas Sapiens. Tous les anthropologues en conviennent, à commencer par les auteurs de l’article. C’est le concept de grade sapiens qui jette le trouble. Le grade est un concept de la classification par emboitement. Replacé dans le cadre de la théorie de l’évolution, il impose un postulat : l’évolution anatomique doit être graduelle et en mosaïque à l’exclusion de tout autre processus. Or ce postulat est démenti par le redressement neural embryonnaire. Le recul des très longues durées montre que Sapiens est le dernier seuil de redressement, le dernier seuil d’une complexité croissante dans la régulation des gènes de l’embryogenèse. Il n’existe pas de grade sapiens avant notre embryogenèse.

Affirmer que l’anatomie actuelle est apparue graduellement est une contre-vérité alors que 50 % des os du neurocrâne sont laissés pour compte avec les formes complexes en 3D de la partie inférieure – ou basale – dont je démontre depuis 30 ans les modalités évolutionnistes saltationnistes.

Les processus génétiques n’ont pas été systématiquement gradualistes et en mosaïque. Ils l’ont été entre deux seuils de redressement avec une complexité croissante, mais cette croissance a atteint des seuils. Et à un seuil une nouvelle organisation neuronale plus complexe a émergé tandis que les autres lignées se sont maintenues voire éteintes.

La définition de sapiens ne se fonde pas sur l’étude des productions culturelles, et les modalités des rythmes évolutifs ne sont pas du ressors des paléo-environnementalistes. Ces disciplines ne peuvent pas se substituer à la paléoanthropologie et décider des modalités de l’évolution biologique. Si les paléoanthropologues ont besoin de postuler le gradualisme avant notre anatomie, c’est uniquement parce que la réorganisation générale du système nerveux et du squelette ne leur paraît pas concevable. La notion de seuil de complexité et d’auto-réorganisation leur est étrangère. Or les effets de seuils dus à des concentrations limites sont des phénomènes naturels. Et nous savons que la génétique de l’embryogenèse procède de manière concertée sur l’ensemble de l’axe embryonnaire. La « concertation » est l’expression des généticiens. Ces mécanismes sont présentés dans le documentaire de Thomas Johnson avec Denis Duboule depuis 2005 (voir Un Film Témoin des Temps). L’idéologie dominante, que je qualifie de confusionniste, est réfractaire à cette notion de seuil car elle confère à Sapiens une réorganisation neuronale dont la complexité dépasse celle des autres taxons.

Cette remise en cause du grade sapiens attribué à Jebel Irhoud est corroborée par sa M1 qui a conservé la forme carrée des plus vieux taxons africains d’Homo, également visible sur Rabat, un autre fossile marocain contemporain. Ces dents humaines dérivent d’une lignée qui remonte à la plus vieille espèce connue en Afrique et qui s’est séparée de la lignée des ancêtres des néandertaliens et de Sapiens bien avant 1 Ma.

L’annonce dans Nature a cependant heurté des anthropologues et des préhistoriens. En effet, le littoral atlantique n’est pas perçu comme le berceau du grade sapiens. Pour sortir de cette impasse, il a fallu rajouter un second postulat : l’Afrique aurait été peuplée de ce pseudo-grade sapiens du Nord au Sud avant 300 000 ans mais certainement pas l’Asie.

Je partage la désapprobation véhémente du préhistorien Marcel Otte face à l’outrance d’un tel postulat, conséquence de la généralisation abusive du gradualisme et de l’évolution mosaïque à l’organogenèse.

S’il n'est pas possible de conclure sur la lignée de la troisième molaire de Tongzi, il n’en demeure pas moins qu’elle était génétiquement plus proche de Sapiens que ne l’était Jebel Irhoud. Cette conclusion est publiée dans la revue d’anthropologie de l’Académie des sciences de Chine.

L’émergence de Sapiens est une question de tout premier plan, celle des processus qui modifient la régulation de l’embryogenèse et qui se transmettent dans le génome. Ils sont dans notre patrimoine génétique et cela concerne l’identité évolutive de notre « espèce ».


Épilogue

La paléoanthropologie n’accorde toujours pas d’intérêt aux 8 premières semaines de l’embryogenèse alors qu’elles sont déterminantes pour la position du tronc cérébral et du cervelet. L’ontogenèse du système nerveux et l’apprentissage du contrôle psychomoteur restent la terra incognita de la paléoanthropologie comme de l’étude du comportement des espèces humaines fossiles.

Maintenant que les questions d’Anthropocène et d’extinction de masse se posent en replaçant l’évolution au centre des valeurs, nous nous retrouvons dans la position de la tache aveugle au fond de la rétine. Pierre Teilhard de Chardin et Jean Piveteau en seraient édifiés. Nous sommes le grand absent de la réflexion, alors que nous sommes porteurs d’un processus évolutif dans nos gènes qui complexifie le système nerveux. Cette situation kafkaïenne va de pair avec la censure du documentaire de Thomas Johnson. Elle me revient à la moindre conférence comme l’écho d’une sidération. Le quotidien Le Monde a mis en doute mon honnêteté intellectuelle avec la complaisance de paléoanthropologues. Ma réputation en a été longtemps entachée.

Ce plafond de verre, que j’ai toujours considéré comme criminel eu égard à notre identité biologique évolutive, se fissure depuis la création en 2018 de l’association FREHOPS - Fédération des Recherches sur l’Évolution Humaine, l’Ostéopathie et la Posture au service de la Santé. Il s’effondrera à l’échelle internationale avec un livre diffusé par les éditions ISTE en français et en anglais. ISTE est le : « leader français de l’édition scientifique et technique, qui contribue au rayonnement de la recherche francophone dans le monde par la traduction de ses ouvrages en anglais, publiés et diffusés avec les deux plus grands éditeurs mondiaux de science Wiley et Elsevier ». Un autre livre pour la grande vulgarisation française est en gestation sur invitation d’Yves Coppens.

L’Institut de Paléontologie Humaine a une vocation mondiale choisie dès sa fondation en 1910 à l’abri des idéologies. Se mettre au service de cette vocation a ses mystères avec des épreuves édifiantes. Je crois dans sa vocation et dans le choix fondé de Teilhard de Chardin d’y établir son « laboratoire ».

La recherche scientifique sur nos origines devrait être une activité à l’abri des idéologies comme l’avait bien pressenti le Prince Albert 1er de Monaco. Mais je comprends au fil des décennies que la question de la finalité éveille des forces d’une négativité destructrice phénoménale. C’est bien le déni de la possibilité d’un nouveau seuil dans le processus d’humanisation. Désormais c’est celui d’un seuil de prise de conscience sur nos origines et notre identité de processus en cours. Ce que j’ai découvert a éveillé des mécanismes de destruction qui sont révélateurs de ce principe du dénigrement chronique. Ils sont incontestables, dans les médias avec le « Rififi » de Sciences et Vie en janvier 1997 (voir La Légende Maudite), ou pris en flagrant délit avec la volonté d’annuler la diffusion du film de Thomas Johnson sur Arte en octobre 2005 (voir Un Film Témoin des Temps), d’autres sont connus d’avocats et de magistrats car ils ont cherché à travestir mon image dans un tout autre domaine, celui de l’écriture métaphorique et poétique, source d’inspiration artistique.

J’accorde du sens à des événements imprévus qui jugulent le mal lorsque celui-ci atteint des proportions incontrôlables à l’échelle internationale. En janvier 2016, l’ambassade de France en Inde me missionne pour préparer l’exposition de Masol (Inde) qui doit être visitée par les deux chefs d’État, Narendra Modi et François Hollande accompagné de cinq ministres, dont Ségolène Royal, ma ministre de tutelle et Fleur Pellerin, ministre de la Culture.

Visite de l’exposition au Muséum de Chandigarh, 24 janvier 2016.

Photo © Ministère des Affaires Extérieures de l’Inde.

Il a bien fallu que les Renseignements Généraux enquêtent sur mon profil afin de s’assurer qu’aucune information ne viendrait compromettre mon intégrité. L’État ne confie pas la présentation des plus vieilles traces d’activité humaine à une créationniste, une illuminée ou une personne à deux visages. Les seules informations que l’on puisse trouver auprès d’un tribunal de grande instance concernent mon sens du devoir civique. La confiance dans la représentation diplomatique qui m’incombe face au chef d’une nation peuplée d’1 milliard 320 millions d’êtres humains est une sanction historique et sans équivalant à l’encontre du quotidien Le Monde. Comme le chef de l’État, je rentrais en France début février 2016. La culture changea de ministre tandis qu’un « univers sale » et glauque se prenait la claque du siècle.

Tout ce que j’ai vécu à travers l’Institut de Paléontologie Humaine fait sens. Je suis rationnelle. Rien dans mes interprétations ne repose sur l’illusion, j’archive les preuves qui s’accumulent. Au terme d’un grand colloque à l’Unesco en mai 1997 sur « Sens et sciences » auquel j’étais conviée pour prendre la parole, le poète Maurice Couquiaud m’invita à rédiger un nouveau texte pour la revue Phréatique, le premier avait eu pour thème « Métamorphoses-Anamorphoses » paru en octobre 1995 (voir Un Film Témoin des Temps). Le second avait pour thème « De la base au sommet » et était programmé pour octobre 1997. Je l’ai intitulé « Chutes et Mémoires ». Lors de son édition, il parut coupé au trois-quarts à la fin d’une phrase qui s’achève par « génération abandon », inversant le sens de mon texte et donnant de ma personne une image effroyablement fourbe. Maurice Couquiaud en fut consterné. « Génération abandon » correspond bien au déni d’un processus qui peut nous élever à condition de s’engager dans sa découverte.

« Il doit y avoir un chemin » écrivait le poète Maurice Gravaud Lestieux (1929-2013), et j’y crois contre les vents et les marées de ces ténèbres. Ami de Jean Guitton, cet oncle, qui était également un haut fonctionnaire soucieux du droit (cf. Photophage Blogspot), suivait fidèlement ma recherche et m’a soutenue dans cette violation de mon écriture. Il m’écrivit pour tenter d’y trouver une cause et sa petite lettre fut utile. Depuis 2014, je perçois davantage de discernement à mon égard ainsi qu’une volonté de sortir de ces ténèbres qui ont investi ma recherche voici près d’un quart de siècle (1995-2019). Que conclure de la providence dans un univers aussi tourmenté quand elle brise une forteresse qui tient une âme en otage ?

N’est-ce pas le mystère tant espéré qui nous cherche et qui nous guide dans l’ombre d’un univers entropique et humainement violent ? Terminer l’écriture de cette histoire dont nous ne sommes pas les auteurs, mais la page, l’encre et la plume, est certainement une nécessité dont la finalité nous contient. Nos mots sont ceux d’un incroyable récit, sa trame est extraordinaire par le témoignage. Le compositeur Bertrand Burgalat, très proche de mon oncle et de ma tante maternelle, lui a rendu un dernier hommage en janvier 2014 dans le grand amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne, mettant en musique un de ses poèmes. Il est désormais dans son album intitulé « Ces mots que l’on ne peut dire à personne ». Quand le chemin hasardeux des mots devient celui d’un sens attendu comme les cailloux blancs du Petit Poucet, il m’apparaît comme le langage de cette présence. Dans cet Empire du Milieu, je n’ai pas d’ailleurs autre que cette « présence » en qui tout ce qui monte converge, comme l’aurait si bien dit le père Pierre Teilhard de Chardin.


Carte de vœux de la Fondation Teilhard de Chardin.

Photo © Anne Dambricourt Malassé, décembre 2018.